s. m. Le plus gros, le plus fort & le plus spirituel des animaux terrestres à quatre pieds. Il a peu de poil, semblable à celuy des bufles, aussi-bien que son cuir, qui est noir, espais & dur à percer, quoy qu'on le sente doux au toucher. Il a la teste grosse, le col court, les oreilles larges de deux palmes. Son nez, qu'on appelle sa trompe, est long & creux comme une grosse trompette, & il luy sert de main. Il est fait d'un gros cartilage qui luy pend entre les dents. Son pied est rond, large de deux ou trois palmes, tout couvert de durillons, & a cinq ongles semblables aux coquilles de St. Michel ; & sa queuë est faite comme celle des bufles, de trois palmes de long. De son simple pas il atteint les hommes qui courent, & il fait trois milles par heure. Il a le pied si seur, qu'il ne fait jamais un faux pas, & il est bon à passer les montagnes. Il nage mieux qu'aucun autre animal que ce soit, & il se couche & se leve avec la même facilité que font les autres bestes, contre l'opinion des Anciens, qui ont creu qu'il n'avoit point de jointures. On l'enchaisne par le pied de derriere, & on l'attache à un arbre, ou à quelque chose qui ne soit pas difficile à ébranler. On fait combattre quelquefois les élephants, qui se heurtent de leurs dents comme les taureaux de leurs cornes. D'un coup de trompe ils tuent un chameau ou un cheval. Il vit à la campagne de feuilles & de fruits. Il ne peut endurer ni bride, ni arrest ; il ne laisse pas d'obeïr à ses gouverneurs, dont il entend le langage. Les Auteurs en content plusieurs merveilles, la plus-part fabuleuses, jusques là qu'on dit que si on luy commande de faire peur à quelques-uns, il court vers luy en fureur comme s'il le vouloit mettre en pieces ; & lors qu'il en est proche, il s'arreste tout court sans luy faire du mal. Cardan dit que les dents d'élephant se peuvent amollir & estendre comme les cornes de boeuf : mais ce secret est à present inconnu.

On prend les élephants en les faisant tomber dans des pieges ou creux couverts de clayes & d'un peu de terre. Mais s'ils en sont eschappez une fois, ils arrachent une branche avec leur trompe, & sondent le terrain, pour voir s'il est ferme. On les prend aussi avec des barricades faites dans des lieux estroits, où il y a une femelle en chaleur qui les appelle. Elle se couche sur le dos pour les attendre, contre la nature des autres animaux, & se prepare pour cela un chevet de feuilles & de branches d'arbres élevé de quatre ou cinq pieds. Ils ne couvrent jamais leurs femelles en quelque chaleur qu'ils soient, tant qu'ils voyent quelqu'un. Elles portent un an. Quand ils sont pris une fois, ils ne touchent plus à la femelle. Ils entrent pourtant quelquefois en chaleur, & alors ils sont si furieux, qu'ils ne s'arrestent point qu'ils n'ayent sacrifié quelqu'un à leur furie, ou si on ne leur presente du feu d'artifice, aprés quoy ils sont fort traitables. Ils vivent quelquefois cent ou six vingts ans, & croissent jusqu'à trente. Leurs deffenses font l'yvoire qu'on voit par deçà. On en a veu de la longueur d'une toise, & grosses comme la cuisse : & quoy que les élephants soient fort communs dans l'Inde, on ne laisse pas de vendre les beaux quatre ou cinq mille écus. On a veu des élephants hauts de treize ou de quinze pieds. Ceux de Ceylan sont les plus petits, mais les plus estimez ; & les autres, de quelque pays qu'ils soient, par un instinct de nature leur font la reverence. Cet animal a autant de honte & de ressentiment du chastiment, que les hommes. Le Roy d'Achem leur fait faire bien des honneurs, leur fait porter des parasols, que les hommes n'osent porter ; il les marie en ceremonie avec leurs femelles ; & quand il est en colere contre eux, il leur oste tous ces honneurs, dont ils sont extremement faschez. Ceux de Bengala adorent un élephant blanc, qui est si rare, qu'ils l'estiment une chose sainte. Les Rois Indiens ont donné souvent de sanglantes batailles pour les posseder. On dit qu'il ne s'en trouve qu'au Royaume de Siam ; & que les Rois de ce pays-là les ont long-temps traitez, comme ils auroient fait quelques Princes de leurs voisins qui seroient venus en leur Cour. Mr. de Choisi dit dans fa Relation, qu'il a vû dans la seconde cour du Palais du Roy de Siam ce fameux élephant blanc qui a cousté la vie à cinq ou six cens mille hommes pendant les guerres de ce Roy avec celuy de Pegu. Il dit qu'il est assez grand, fort vieux & ridé, & a les yeux plissés. Il y a toûjours auprés de luy quatre Mandarins avec des éventails pour le rafraischir, des feuillages pour chasser les mouches, & des parasols pour le garentir du Soleil, quand il se promene ; qu'on ne le sert qu'en vaisselle d'or, & qu'il a vû devant luy deux vases d'or, l'un pour boire, & l'autre pour manger. On luy donne de l'eau gardée depuis six mois, la plus vieille étant la plus saine. On dit qu'il y a un petit élephant tout prest à succeder au vieillard, quand il viendra à mourir. Il dit aussi qu'il y a un Elephant Prince, qui est le plus grand & le plus spirituel de tous les élephants, qui est celuy que le Roy monte. Il est fier & indomtable à tout autre ; & quand le Roy paroist, il se met à genoux. Peyrard dit avoir veu porter à un élephant avec ses dents deux canons de fonte attachez ensemble avec des cables, pesant chacun trois mille livres, l'espace de cinq cens pas. L'élephant sert à la guerre, & il porte une piece d'artillerie de fer de six pieds de long avec son affust, qui porte un boulet d'une livre. Il faut bien cent livres de ris à chaque élephant par jour pour le nourrir. On en fait des pelottes avec du beurre & du sucre. Le cri de l'élephant s'appelle barrit.

Il y a aussi un élephant de mer descrit par Boëtius en ses Relations d'Escosse, mais d'une maniere qui est tout à fait fabuleuse.