s. m. Terme de Chymie. Substance acide qui entre en la composition de tous les corps, & qui est un de leurs principes physiques. Les Chymistes ne connoissent que trois principes, le sel, le soulfre & le mercure. Il n'y a proprement que deux sels en la nature, l'acide & l'alkali, dont tous les corps sublunaires sont composez. Ce sel de Chymistes reste ordinairement meslé parmi la terre aprés la distillation, & est de couleur blanche, & de consistance seche & friable.

Le sel commun est de trois sortes. Le premier est le sel gemme, ainsi nommé par les Arabes, les Chymistes & les Apothicaires. Il est blanc & fossile, & a les mêmes qualitez du marin. Il est ainsi nommé, à cause de sa transparence. Il se lapidifie par le feu sousterrain, ou par le Soleil, & est presque dur comme du marbre. Il est clair comme du cristal, & on en fait des vases. Il rougit & signifie comme le fer, & ne petille point au feu. Il y en a des montagnes dans la Pologne, dans la Hongrie, & dans la Catalogne au Duché de Cardone. C'est la source de tous les autres sels. Pline dit qu'en la ville de Carrhos en Arabie on fait les murailles & on bastit les maisons de sel ; & qu'au lieu de mortier, on use d'eau simple. Dans l'Ethiopie le sel tient lieu d'argent & d'une monnoye fort courante. On le tire d'une roche qu'on taille en forme de brique longue de huit pouces. Il est tres-blanc & tres-dur, & il s'en transporte tant qu'il y a des caravanes de 600. chameaux qui ne sont chargez d'autre chose. Il ne se trouve que dans le petit Royaume de Dancal, qui signifie le pays du sel.

Le second sel est fait par l'evaporation de l'eau des fonteines salées, comme celles de Salins en Franche-Comté.

Le troisiéme sel, est le sel marin fait de l'eau de la mer. On la fait entrer par des rigoles dans des marais salans, & la chaleur du Soleil la fait evaporer. Sa figure est cubique, comme l'a fort bien fait voir Mr. Descartes. C'est le plus parfait de tous les sels, & il ne peut estre détruit par aucun autre sel. Le sel marin blanchit la solution du sel de Saturne. Mr. Mariotte dit que le sel dissous dans l'eau se remet en sel, lors qu'on y verse beaucoup d'esprit de vin, qui empêche l'action de l'eau sur le sel.

L'escume de sel se fait de l'eau de la mer, qui se congele avec la rosée sur ses bords & sur les rochers.

Fleur de sel, est une écume qui nage sur certains lacs & sur le Nil, dont parle Dioscoride, qui dit que la meilleure est la jaune, qui a une odeur fascheuse ; & que la naturelle ne se peut dissoudre qu'en huile, & la sophistiquée en eau. Pline dit que vers les Portes Caspies il y a des rivieres qui charrient le sel comme des glaces, & qu'elles l'ont entraisné des montagnes. Fuchsius dit que la fleur de sel est le sperme de la baleine : mais il se trompe lourdement. Voyez SPERMA CETI.

On distingue aussi les sels en volatils, & fixes. Le volatil est la partie salsugineuse, sultureuse, mercuriale & fugitive des corps mixtes, qui s'éleve par la distillation, ou qui s'exhale & se fait sentir à l'odorat. Le sel fixe ou essentiel, est celuy qui comme plus materiel resiste au feu, & le soustient. Il demeure dans la partie terrestre aprés la calcination ou distillation. Celuy cy se fait remarquer par son amertume & sa chaleur, si on en met dans la bouche. Le volatil se fait sentir d'abord par sa tenuité à la langue, au nez & au cerveau.

Le sel lexivial, que quelques-uns appellent lixiviel, est un sel fixe qu'on tire des mineraux par plusieurs lotions ou lescives d'eau chaude, qu'on fait ensuite evaporer, comme le salpestre & autres.

La plus grande proprieté du sel, est qu'il ne craint aucune corruption, & même il en preserve les viandes qu'on en assaisonne, & qu'on y laisse tremper. Il resiste au feu, & s'y purifie, parce que son humidité en sort ; & alors on l'appelle sel decrepité. Même dans un grand feu il se met en fusion, & il se convertit en eaux fortes. Il donne la fertilité aux terres, la solidité à toute sorte de substances, & avance la fusion des metaux. Il y a eu pourtant des Princes qui ont fait semer du sel sur les terres pour marque d'indignation, & croyant les rendre steriles. Les Egyptiens croyoient que le sel étoit le crachat ou l'escume du Geant Tiphon ennemi de leurs fausses Divinitez : c'est pourquoy ils l'avoient en horreur, au rapport de Plutarque.

Le sel a deux qualitez contraires ; car par son acidité aërienne, subtile, rongeante & penetrante, il brise & dissout les mineraux durs, compactes & solides ; bien que par un effet contraire il coagule des corps liquides, comme l'eau & le sang. Il y a de ses esprits qui etant mêlez avec de l'eau, y produisent une chaleur excessive ; & les mêmes mêlez en petite quantité avec des eaux froides, en augmentent la froideur, comme le salpestre dans la neige.

Tous les sels se dissolvent par l'humidité, mais ils ne se fondent dans l'eau que jusqu'à une certaine quantité ; & lors qu'elle est impregnée d'un certain sel autant qu'elle en peut porter, elle dissout encore une quantité d'un autre sel dont les parties ou atomes sont d'une autre figure, & propres à s'insinuer dans les pores qui restent vuides dans la même eau. Ainsi aprés que le sel commun ne s'y pourra plus dissoudre, il s'y fondra encore de l'alun, & puis du salpestre, de l'armoniac & autres. Ce sont les diversitez des figures de ces sels qui font les differentes saveurs.

Il y a quantité de noms differents de sels qu'on tire des mineraux, vegetaux & des animaux, comme d'alun, vitriol, salpestre, nitre, natron, armoniac, de Saturne, de Mars, d'urine, de vipere, de tartre, de polycreste, &c. qui sont expliquez à leur ordre alphabetique.

Le sel pour l'usage ordinaire, se distingue en sel blanc, & en sel noir, en gros sel & menu sel ; & on dit qu'une chose est de bon sel, qu'elle est cuite dans son sel, qu'elle ne sent ni sel, ni sauge, pour dire, qu'elle est bien ou mal assaisonnée.

Grenier à sel, est un depost public où on met le sel que le Roy vend à son peuple ; & on appelle sel gabellé, celuy qui a passé dans ce grenier, & qui y a demeuré deux ans, qui n'est livré que par les Officiers. Le faux sel, est celuy qui est vendu secrettement par des particuliers qui ont fraudé les droits du Roy. Impost du sel, est le droit que le Roy leve sur chaque minot de sel. On dit aussi, qu'on donne le sel par impost, quand on oblige les peuples à venir prendre aux greniers du Roy une quantité de sel qu'on leur taxe, & qu'ils peuvent consommer dans les pays voisins des salines, où on peut aisément frauder la Gabelle. C'est en cet impost que consiste la Ferme du sel, ou des Gabelles, & sur lequel sont assignées les rentes du sel.

Grenier à sel, est aussi une Jurisdiction établie aux lieux où il y a de pareils greniers, pour conserver les droits du Roy, & decider les differens qui surviennent à leur occasion. Elle est composée d'un President & de plusieurs Grenetiers ou Conseillers, d'un Procureur du Roy & d'un Greffier, avec des Archers & Gardes. Les appellations en ressortissent à la Cour des Aides.

SEL, se dit figurément en choses morales. JESUS-CHRIST dit à ses Apostres, qu'ils étoient le sel de la terre. On dit que dans un ouvrage il n'y a pas un grain de sel, pour dire, qu'il est fade, qu'il n'y a rien qui picque, pas une pointe ou subtilité d'esprit ; & qu'une Epigramme a bien du sel, quand elle a un grand sens, ou quelque equivoque agreable.

SEL, se dit proverbialement en ces phrases. On dit de deux personnes de differente humeur qui s'associent, qu'elles ne mangeront pas un minot de sel ensemble. On dit au contraire, que pour bien connoistre un homme, il faut avoir mangé un muid de sel avec luy. On dit aussi de celuy qui est bien plus fort qu'un autre, qu'il le mangeroit avec un grain de sel.