s. f. Terme d'Optique. Instrument qui sert à grossir les objets, à conserver, à faciliter l'action de la veuë. Les Auteurs qui ont escrit des lunettes, & sur tout du telescope, ont esté entre autres Kepler dés l'année 1611. Joannes Hevelius, Scheinerus, Emanuel Magnan, Galilée, Descartes, Sirturus, Maurolycus, Antonius de Dominis, Malapertius, Aquilonius, Vitellio, Tardeus, Fontana, le Pere Scot Jesuïte, le Pere de Rheita Capucin, & Pierre Borelli, dans divers Traittez d'Optique, de Perspective & d'Astronomie. Les Ouvriers fameux ont esté Torricelli, Fontana, Fevrier, Chorez, Campani Divini, & maintenant le Sr, Borelli Chymiste, qui est de l'Academie Royale des Sciences, qui a fait les verres des lunettes de l'Observatoire.

Le Telescope est une lunette à longue veuë, qui approche les especes des corps Esloignez, & qui les grossit. On l'appelle aussi lunette de Hollande, de Galilée. Il y a de ces lunettes simples à deux verres, qui sont l'objectif & l'oculaire, & d'autres à quatre verres. La lunette de l'Observatoire de Paris a 76. pieds de tuyau. Mrs. Descartes & Hook n'ont pas desesperé de pouvoir descouvrir quelque jour des animaux dans la Lune par le moyen des grandes lunettes : mais Mr. Auzout a pretendu qu'on n'en peut faire de plus longues que de 300. pieds ; & qu'en ce cas on ne pourroit voir la Lune que comme on la verroit de 60. lieuës loin sans lunette, à laquelle distance on ne pourroit descouvrir des animaux sur la terre. Voyez Telescope.

Le Microscope est une autre lunette courte qui sert à descouvrir les plus petites parties des objets qu'elle grossit extraordinairement. Il s'en fait aussi à plusieurs verres. Il y a d'autres microscopes si petits, qu'ils sont faits d'un verre qui n'est gros que comme la teste d'une espingle, & ils font des effets merveilleux. Gassendi dit avoir veu esmeutir un ciron avec le microscope. Il y en a aussi pour le peuple, qu'on appelle lunettes à puce, qui ne sont autre chose qu'une petite bouteille dans laquelle on regarde par un fort petit trou.

LUNETTE POLICDRE ou à facettes, est ce que le peuple appelle lunette d'avaricieux, qui se fait avec un verre taillé, qui multiplie autant de fois l'objet qu'il a de faces. Il se fait de belles perspectives de pieces rapportées avec des lunettes à facettes, dont l'art est descrit par le Pere Niceron dans sa Perspective, & par le Pere Kirke en son Livre de la Magie de la lumiere & de l'ombre.

LUNETTES, au pluriel, sont deux verres enchassez dans de la corne, ou autre matiere, qu'on applique sur le nez & devant les yeux, pour aider aux vieillards, & à ceux qui ont la veuë courte, à lire & à escrire, ou à descouvrir mieux les objets. On les appelle aussi besicles. Il y en a qui servent à grossir les objets, les autres à conserver seulement la veuë, qu'on appelle conserves. On a fait aussi des lunettes à longue veuë, pour appliquer aux deux yeux, qu'on appelle binocles, dont a écrit le Pere Cherubin Capucin, & avant luy le Pere Rheita du meme Ordre, en son Livre intitulé, Oculus Enoch & Eliae, lequel avoit trouvé aussi l'invention des lunettes à trois ou à quatre verres. Voyez Binocle. Pour achever la perfection des lunettes, on a trouvé le moyen d'appliquer un treillis ou grille de filets tres-desliez sur le verre oculaire convexe ; ce qui rend l'observation plus juste. On en voit la figure dans le Journal des Sçavants de l'année 1667. Les lunettes ont certainement esté inconnuës aux Anciens ; mais aussi elles ne sont pas si modernes que le telescope. Francesco Reddi pretend que l'invention en a esté trouvée au XIII. Siecle depuis l'an 1280. jusqu'en 1311. & qu'un Frere Alexandre Despina de l'Ordre des Freres Prescheurs de Ste. Catherine de Pise, qui mourut dés l'an 1313. en communiqua l'invention, qu'il trouva de luy-mëme, aprés qu'il eut appris qu'un autre en avoit trouvé le secret, lequel il ne vouloit pas communiquer. Cela est escrit dans la Chronique de ce Couvent. Il dit encore, que dans un vieux Manuscrit composé en 1299. qu'il a parmi ses Livres, il est parlé des lunettes comme d'une chose inventée en ce temps-là : qu'un fameux Jacobin, nommé Jourdan de Rivalto dans un Traitté qu'il composa en 1305. dit expressément qu'il n'y avoit pas encore 20. ans que les lunettes estoient trouvées. Il cite encore Bernard Cordon dans son Livre du Lilium Medicinae, composé en la même année, où il parle d'un colyre qui estoit bon pour faire lire un vieillard sans lunettes. Du Cange dit qu'il y a un Poëme Grec qui se trouve en manuscrit dans la Bibliotheque du Roy, qui montre que les lunettes estoient en usage des l'an 1150. Et il est fait mention de ces lunettes dans le Dictionaire de la Crusca au mot Occhiale. Il en est fait aussi mention dans le Liure de Guy de Chauliac Professeur de Medecine à Montpélier, intitulé la Grande Chirurgie, composé dés l'année 1363. Il y a aussi un arrest du 12. Novembre 1416. rapporté par Menage en son Livre Amaenitates Juris, qui fait mention de ces lunettes ; & d'autres témoignages anciens citez par le Sr. Comiers en son Traité des lunettes, aprés Mr. Redi Medecin Italien qui en a escrit fort doctement.

On appelle aussi en Architecture des voutes à lunettes, lors que dans les costez du berceau d'une voute on y fait de petites arcades pour y pratiquer quelques jours ou veuës.

LUNETTES, se dit aussi par antiphrase en matiere de bastiments, de ce qui bouche, ou qui oste la veuë. Cette maison avoit veuë sur plusieurs jardins ; mais le voisin a élevé son mur, & il luy a donné des lunettes.

LUNETTE, se dit aussi d'une petite ouverture qui se fait dans le toit d'une maison.

LUNETTE, en termes de Menuiserie, est une planche de bois percée, qui sert de siege à un privé. On a commandé à ce Menuisier une lunette pour un privé. On appelle aussi lunette, cette ouverture qui est au derriere des soufflets, par où entre le vent, & qui se ferme en dedans par la souspape.

LUNETTES, en termes de Fortifications, sont des enveloppes qui se font au devant de la courtine. Elles sont composées de deux faces qui font un angle rentrant, & se construisent ordinairement dans des fossez pleins d'eau, pour y faire l'effet d'une fausse braye. Elles ont cinq toises de large, dont le parapet en a trois.

LUNETTES, en termes de Manége, sont deux petites pieces de feutre relevées en bosse, qu'on applique sur les yeux d'un cheval vicieux, ou qui ne veut point se laisser ferrer, ni monter.

On dit aussi, Ferrer un cheval à lunettes, ou à demy-fer, c'est à dire, avec un fer dont on a retranché la partie des branches qui est vers le quartier du pied : ce qu'on appelle les Esponges.

On appelle aussi lunette, le cercle de metail qui enferme & soustient le crystal d'une montre.

LUNETTE, chez les Tourneurs, est cette piece de bois troüée qu'ils appliquent sur leur tour, pour faire diverses sortes d'ouvrages qui se tournent en l'air.

LUNETTE, de volaille, est la partie du chappon qui est entre le cou & l'estomac, qui est soustenuë par deux petits os qui forment un angle aigu. On tient que la lunette est la partie la plus excellente du chappon.

On dit proverbialement à celuy qui s'est trompé en regardant quelque chose, Prenez vos lunettes, chaussez vos lunettes. On dit aussi en se mocquant d'un grand nez, Voilà un beau nez à porter lunettes.