subst. masc. Forte machine qui fait tourner des meules. On le dit premierement de ceux qui servent à moudre du bled & autres grains pour en faire de la farine. Les moulins à vent sont ceux qui tournent par la force du vent qu'on recueille dans des toiles ou volants. Moulins à eau, sont ceux qu'une riviere, ou une cheute d'eau fait tourner. Il y a aussi des moulins à bras portatifs pour l'armée, qui se tournent à force de bras, ou par le moyen d'un cheval. Il y a aussi de petits moulins pour esgruger le poivre, des grains de moustarde, du caffé, qui se tournent à la main avec une simple manivelle. Ce mot vient du Latin molinum & de mola. Menage.

L'usage de la meule & du moulin fut trouvé par Myletas fils de Meleges premier Roy de Lacedemone, à ce que dit Pausanias, quoy que Pline attribuë à Cerés l'invention de tout ce qui concerne la boulengerie. Les moulins à eau parurent au temps de Ciceron, mais le nom de l'Auteur en est inconnu, comme dit Polydore Virgile. Ils sont appellez moulins à arche dans les anciennes Ordonnances, à cause qu'on les bastissoit sur des arches. A l'esgard des moulins à nef, l'invention en est deuë à Belisaire General de l'Empereur Justinien, qui par leur moyen soustint le siege de Rome pendant un an contre Vitigés Roy des Gots. Les moulins à vent sont de plus moderne invention. Le modele en fut apporté d'Asie en Europe au temps des expeditions de la Guerre Sainte. Le manque d'eau qui se trouve en tout l'Orient a fait que la necessité a contraint les habitans d'avoir recours à cette invention. Platine remarque que le Pape Celestin III. qui vivoit en ce temps-là, a declaré les profits des moulins à vent, qui estoient alors nouveaux, sujets à la dixme.

MOULIN BANNAL, est celuy d'un Seigneur, qui peut obliger tous les habitants de la Seigneurie d'y venir moudre leur bled. Les moulins bannaux ne s'establissent point sans titre, par ce que c'est une servitude.

En termes de Blason, on appelle fers de moulin, des fers dont plusieurs Seigneurs chargent leurs Escus, & particulierement en Flandres, qui sont faits en forme de sautoirs alaisez & arrondis en dedans, pattez aux extremitez, & maclez au coeur. Les fers de moulin ont entré dans les armoiries, pour marquer le droit de Bannalité qu'avoient plusieurs Seigneurs sur les moulins.

MOULIN, est aussi une machine qui sert à la fabrication des monnoyes, pour preparer les lames ou bandes de metail, & les rendre d'une espaisseur & d'une dureté convenable, avant que d'estre marquées. Cette machine est moderne, elle n'a paru en France que vers l'année 1638. On a creu alors qu'elle estoit de l'invention de Briote, ou de Varin, fameux Graveurs qui ont fait les premiers la fonte des Louïs d'or & d'argent. Mais il est certain qu'elle est venuë d'Allemagne, où elle estoit en usage long-temps auparavant, comme prouve Freherus par un témoignage tiré ex Herculeo Stephani Pighii Campensis, pag. 232. où il la descrit ainsi. C'estoit un moulin dont la rouë tournoit par le moyen de l'Eau. Il avoit plusieurs rouës d'entées comme celles des horloges, qui faisoient mouvoir deux cylindres d'acier, entre lesquels on faisoit passer les lames ou bandes de la monnoye pour les disposer suivant l'espaisseur qu'on la vouloit fabriquer. A cette imitation Briote & Varin firent au Louvre une forte machine de charpente en forme d'un grand travail de Mareschal, qui faisoit tourner de semblables cylindres d'acier ; & par ce qu'on les faisoit tourner par le moyen d'une jument qu'on enfermoit au milieu de la machine, cela luy fit aussi donner le nom de jument. On l'appelle maintenant laminoir. Du Cange dit pourtant que la monnoye au moulin a esté establie en France par Edit donné à Blois le 27. Janvier 1650. & que ce fut dans la maison des Bains, où est aujourd'huy la Place Dauphine.

MOULIN, se dit aussi de toute autre machine, qui estant meuë par une force exterieure, donne une violente impression sur les choses. Un moulin de Lapidaire est propre pour tailler les pierres. Les moulins à Sucre servent à froisser les cannes de sucre. Les moulins à huile servent à casser les noix, les olives, & autres choses dont on exprime le suc pour en faire de l'huile. Les moulins à Foulon font lever des marteaux qui servent à fouler les draps, qu'on a appellez en Latin batatoria en batanderia. Les moulins à tan servent à reduire le tan en poudre par le moyen de trois gros pilons pointus. Moulin à papier est celuy qui a plusieurs martinets qui battent le drappeau, qui le reduisent en tres-menuës parcelles. Moulins à scie, celuy qui sert à scier des planches. Moulin de forge, qui sert à lever un tres-lourd marteau pour battre le fer. Il y aussi des moulins pour eslever des eaux, vuider des bastardeaux, secher des marais, &c. soit par le moyen des pompes, des godets, des chapelets, comme on voit en Hollande & à Versailles ; Des moulins à poudre à canon, comme ceux d'Essone ; des moulins à forer les canons des armes à feu, comme ceux de Cosne ; des moulins à faire des lames d'espée, comme ceux de Vienne.

Les Tireurs d'or appellent moulin, une petite machine composée de deux cylindres d'acier, qui leur sert à aplattir le fil d'or, ou d'argent, & à le reduire en lames, comme ceux de la monnoye. Ils ont aussi des moulins à devider & à mettre le fil d'or sur la soye, qui sont composés de plusieurs rangs de bobines qui tournent en même temps par le moyen d'une manivelle.

MOULIN, se dit proverbialement en ces phrases. C'est luy qui fait venir l'Eau au moulin, c'est à dire, qui procure beaucoup d'avantages à la maison, qui y amene de la pratique. On envoye les asnes, les ignorants au moulin. On dit aussi de toutes les meschantes comparaisons qu'on veut blasmer, Cela luy ressemble mieux qu'à un moulin à vent. On appelle aussi un moulin qui chomme souvent faute d'Eau, un escoute s'il pleut. On dit aussi, il viendra moudre à mon moulin, pour dire, il aura besoin de moy, j'auray ma revanche.