s. m. Ancien Officier de guerre & de ceremonie, qui estoit autrefois en grande consideration, & qui avoit plusieurs belles fonctions, droits & privileges. Son principal employ estoit de composer ou de dresser des Armoiries, des Genealogies, & des preuves de Noblesse. Les Herauts estoient Surintendants des armes, & conservateurs des honneurs de la guerre, dont le blason est un symbole. Ils avoient droit aussi d'oster les Armoiries à ceux qui meritoient d'estre degradez de Noblesse pour leur lâcheté & trahison. Ils avoient le pouvoir de reprendre les vices des nobles mal-vivants, & de les chasser des joustes, tournois, & behours. Ils recevoient & verifioient les preuves du nom & des armes des Chevaliers, & faisoient peindre leurs quatre quartiers dans leurs livres armoriaux & cartulaires de Chevalerie. Ils avoient droit de corriger tous les abus & usurpations des couronnes, casques, timbres & supports, & connoissoient des differents entre les Nobles pour leurs blasons, pour l'antiquité de leurs races & préeminences ; & même la Cour les a quelquefois mandez pour avoir leur advis sur les differents de cette nature qui y estoient pendants. Ils alloient même dans les Provinces pour faire des enquestes fur la Noblesse, & avoient droit de se faire ouvrir toutes les Bibliotheques, & de se faire communiquer tous les vieux titres des Archives du Royaume. Ils avoient l'entrée en toutes les Cours des Princes estrangers pour y annoncer la guerre ou la paix, & leurs personnes estoient sacrées comme celles des Ambassadeurs. Il estoit de leur charge d'aller publier les joustes & tournois, de convier à y venir, de signifier les cartels, de marquer le champ, les lices ou le lieu du duel ; de faire les cris pour appeller tant l'assaillant que le tenant, & de partager également le soleil aux combattans à outrance. Dans la guerre ils advertissoient les Chevaliers & Capitaines du jour qu'on donneroit la bataille, où ils assistoient en haut appareil devant le grand Estendart ; & dans le choc ils se retiroient en un lieu eslevé pour voir ceux qui auroient le plus vaillamment combattu, & en faire le rapport au Roy. Ils faisoient le denombrement des morts, relevoient les enseignes, redemandoient les prisonniers, sommoient les places de se rendre, & dans les capitulations ils marchoient devant le Gouverneur de la ville pour asseurer sa personne. Ils estoient les principaux juges du partage des despouilles des vaincus & des recompenses militaires. Ils publioient les victoires, & en portoient les nouvelles aux pays estrangers. Ils publioient la feste de la celebration des Ordres de Chevalerie, & s'y trouvoient vestus du nom & des marques de l'Ordre. Ils faisoient la convocation des Estats Generaux, & y assistoient pour empêcher la confusion & les differents sur les preseances. Ils assistoient aux mariages des Rois & souvent en faisoient la premiere demande, comme aussi aux festins royaux qui se faisoient aux grandes festes de l'année, quand le Roy tenoit cour pleniere & grand tinel, où ils appelloient le Grand Maistre, le Grand Pannetier, le Grand Boutillier, pour venir faire leur charge. Ils faisoient aussi les ceremonies des obseques des Rois, & enfermoient dans le tombeau toutes leurs marques d'honneur, comme sceptre, couronne, main de justice, &c.

En France il y a seize Herauts sous les noms de Bourgogne, Normandie, Dauphiné, Bretagne, Alençon, Orleans, Anjou, Valois, Berri, Angoulesme, Guyenne, Champagne, Picardie, Bourbon, Poictou & Provence : en Angleterre six : en Escosse quatre.

Le Roy baptisoit les Herauts avec une couppe d'or pleine de vin qu'il leur versoit sur la teste en leur donnant le nom de leur Heraulderie. Ils ne pouvoient obtenir la charge de Heraut qu'aprés sept années d'exercice de poursuivant d'Armes ; & ils ne pouvoient quitter leur charge que pour monter à celle de Roy d'Armes, ou à la dignité de Chevalier.

Il y a aussi un Heraut des ordres du Roy, qui porte une cotte d'armes de velours violet semée de fleurs de lis & de flammes en broderie d'or avec les armes & les colliers devant & derriere. Ils portent aussi la croix de l'Ordre penduë à un cordon de soye noire en escharpe.

Les Herauts ont comme les Rois d'Armes leur cotte de velours violet, à la reserve que la broderie n'en est pas si riche ; & ils portoient sur les manches le nom & les armes de la Province dont ils portoient le titre. On appelloit plaques ces cottes d'armes qui estoient particulieres aux Herauts ; & tuniques celles qui appartenoient aux Rois d'Armes. Ils portent encore un baston appellé caducée, qui n'a ni fleur de lis, ni couronne au bout, & qui est seulement de velours violet semé de fleurs de lis d'or.

L'origine des Herauts est fort ancienne. Stentor estoit le Heraut des Grecs, qui avoit une voix plus forte que cinquante hommes ensemble. Les Grecs les nommoient kerics & irenophylakes, & les Romains Feciaux. Chez eux ils avoient le pouvoir de declarer la paix & la guerre. Ce mot de Heraut vient de l'Allemand herald, qui veut dire gendarme. D'autres le derivent d'un vieux mot François harou, ou haro, dont on se servoit pour un deffi, pour une nouvelle & bruit de guerre, pour une semonce publique & un ban où tout le peuple accouroit, parce que les Herauts estoient les trompettes & clairons qui publioient par tout le monde les victoires & batailles les plus memorables. D'où vient que Du Cange dit qu'on l'a appellé autrefois Clarigarius, aussi-bien que Heraldus. Borel le derive de herus, c'est à dire, maistre, ou venant de la part du maistre. Du Cange dit qu'il vient de here Anglois, ou de l'Allemand heer, qui signifie armée, & de ald, servus, parce que les Herauts servoient principalement dans les armées. Voyez ce qu'il rapporte d'un manuscrit du Heraut du Duc de Bourgogne qu'on appelle Toison d'or, où sont compris tous les devoirs de sa charge, & les ceremonies de son eslection.