s. m. Feuille mince & artistement faite sur laquelle on écrit. On le fait en France avec du vieux drapeau. Il est blanchi & haché si menu avec l'aide des moulins, qu'il ne paroist que comme de l'eau trouble. On en leve la superficie avec un moule fait de fil de fer tres-delié, on l'esgoute, on le laisse secher, & on le colle afin qu'il ne boive point. A la Chine le papier est fait de soye. Les Anciens se servoient d'une écorce d'arbre qui croist en Egypte qu'on nommoit papyrus, d'où est venu le nom du papier. On en faisoit aussi des voiles, des cordages, des habits, des couvertures, &c. comme enseignent Theophraste & Pline. Aux Maldives il y a un arbre appellé macarequeau, dont la feuille est longue d'une brasse & demie, & large d'un pied, sur laquelle les habitans écrivent. Ils en font des livres qui durent autant que les nostres. Les Turcs sont si superstitieux, à ce que dit Busbeq, qu'ils ne veulent profaner aucun papier, mais le serrent fort proprement, parce qu'on y peut écrire le nom de Dieu. Les anciens donnoient divers noms au papier, ils l'appelloient Auguste, Livien, Claudien, Faunien, Amphitheatrique, suivant les diverses longueurs qu'il avoit, ou les divers usages où on l'employoit.

Le papier se vend à la main & à la rame. Il y a du papier fin, du papier reglé, lavé, doré, pour écrire des lettres ; du papier à chassis, & du papier pour les Imprimeries. Les Livres en grand papier sont des Livres qui ont de plus grandes marges que ceux qui sont en petit papier, quoy qu'ils soient de la même impression.

Le papier gris ou brouillard, est du papier qui n'est point collé, du papier qui boit, & qui sert à filtrer plusieurs liqueurs. On appelle aussi du papier brouillard, celuy qui ne sert plus de rien, écrit, ou non écrit.

On appelle aussi vieux papiers, les papiers écrits qui ne servent plus de rien, des maculatures d'Imprimeries qu'on vend aux Beurrieres, aux Espiciers pour faire des cornets ou enveloppes.

Le papier bleu, est un autre papier qui sert aux Marchands à envelopper quelques marchandises, comme les pains de sucre, les pieces de toile, &c. Du papier à carter, c'est celuy qui est sans marque pour faire des cartes.

Le papier marbré, est un papier peint de diverses couleurs, qui se fait en appliquant une feuille de papier sur de l'eau où on a jetté plusieurs couleurs detrempées avec de l'huile ou du fiel de boeuf. Elle en empêche le meslange, & selon la disposition qu'on leur donne avec un peigne, on fait les ondes & les panaches.

Au Palais on appelle du papier timbré, du papier marqué, ou formulé, le papier qui est marqué d'une certaine marque royale, sur lequel seul il est permis d'escrire tous les actes, expeditions & procedures de Justice. On appelle aussi un papier volant, celuy qui ne fait aucune foy, qui n'a aucune autorité en Justice.

On appelle papier de compte, le grand papier sur lequel on écrit les grosses des comptes, les écritures des Advocats qu'on appelle rolles doubles. On appelle des expeditions en papier, les copies ou procedures qui ne se delivrent point en parchemin.

PAPIER, se dit aussi de ce qui est écrit, par opposition à un discours prononcé, ou à ce qui est reel & effectif. Cette Oraison funebre a paru belle dans la chaise, mais sur le papier on y a bien trouvé à redire. Cette machine paroist fort belle sur du papier, mais je doute qu'elle reüssisse en grand étant mise en oeuvre.

PAPIER, se dit aussi des livres journaux des Marchands, des registres, & autres où on écrit sa recepte & sa despense : & en ce sens on dit un papier censier, ou un papier terrier. Les papiers terriers sont aussi les registres qui contiennent les adveus & denombrements, les reconnoissances faites par les vassaux & tenanciers des droits & redevances qu'ils doivent au Seigneur.

PAPIERS, en pluriel, se dit de tous les titres & enseignements d'une maison, quoy que la plus-part soient en parchemin. Tous les papiers qui justifient cette dixme sont au tresor d'une telle Abbaye. Un bon Plaideur qui voyage par eau envoye ses papiers par terre, afin qu'ils soient en plus grande seureté. On a scellé tous les papiers de cette succession.

PAPIER, en general parmy le peuple, se dit de toute sorte de procedure & de papier écrit. Un paysan dit à son Procureur, On m'a donné hier ce papier, voyez ce qu'il chante.

PAPIER, se dit proverbialement en ces phrases. Cela est reglé comme un papier de Musique. On dit d'un méchant drap qui se déchire aisément, que ce n'est que du papier, du papier mouillé. On dit que le papier souffre tout, pour dire, que quand un homme dresse tout seul un acte, il y met tout ce qu'il luy plaist. On dit aussi, qu'un homme est riche en papier, que tout son bien est en papier, pour dire, qu'il a du bien litigieux, ou du bien en cedules, & qu'il n'a point d'immeubles dont il jouïsse en paix. On dit aussi, Ostez cela de vos papiers, pour dire, Vous vous trompez de croire une telle chose. On dit aussi, Il luy faut fournir d'ancre & de papier, à celuy qui demande beaucoup de choses qu'on n'est pas obligé de luy donner. On dit aussi, que le parchemin est plus fort que le papier, pour dire, que les titres & obligations en parchemin sont plus forts que les promesses chirographaires. On dit aussi, qu'un homme est écrit sur les papiers d'un autre, pour dire, qu'il luy est debiteur de quelques sommes. On dit aussi, qu'il est écrit sur le papier rouge, pour dire, Il a choqué quelque puissant, qui attend à se venger de luy à la premiere occasion qu'il en trouvera. Ce proverbe vient de ce qu'il y a eu au Greffe du Parlement un Livre couvert de basane rouge, dans lequel on enregistroit les defauts, & si on ne si presentoit dans trois jours, on perdoit sa cause avec despens.